Afterres2050 : un solde net de 148 000 emplois

Les premières évaluations socio-économiques globales du scénario Afterres2050 montrent que celui-ci n’est pas une catastrophe pour l’agriculture, bien au contraire : il crée plus d’emplois que le scénario tendanciel, et rémunère mieux les agriculteurs qu’aujourd’hui. Explications sur les résultats d’un travail confié par Solagro à Philippe Quirion, chercheur en économie au CIRED centre international de recherche sur l’environnement et le développement. 

L’évaluation socio-économique du scénario Afterres2050 a été confiée à Philippe Quirion, du CIRED.

Le scénario Afterres2050 permet de conserver 73.000 emplois agricoles, par rapport à un scénario tendanciel. Au rythme actuel, l’agriculture devrait en effet perdre 123.000 d’ici 2030, contre « seulement » 50.000 dans le scénario Afterres2050 d’après le mode de calcul utilisé. Le revenu par actif agricole est supérieur à son niveau actuel, et légèrement inférieur à celui du scénario tendanciel.

L’agroalimentaire n’est pas perdante : elle crée encore 39.000 emplois. Ce chiffre est certes nettement inférieur aux 117.000 emplois qui seraient créés dans le scénario tendanciel, mais il est difficile de qualifier cette évolution de catastrophe industrielle.

Ces chiffres sont calculés uniquement sur le périmètre des productions agricoles proprement dites : il ne tient pas compte des diversifications vers des activités de transformation et de distribution, qui seraient favorisées par les circuits courts de proximité par exemple, et il n’impute pas au secteur agricole les nouvelles activités générées en aval, comme la production de biomasse pour les matériaux et l’énergie.

Ils ne tiennent pas compte non plus des externalités positives, comme la diminution possible des coûts de potabilisation de l’eau, de santé publique, etc.

L’explication tient principalement dans le fait que le volume de production agricole diminue nettement moins que les consommations intermédiaires. La valeur ajoutée (égale à la différence entre la production et les consommations intermédiaires) est donc au final plus élevée que dans le scénario tendanciel.

Quel que soit le scénario envisagé, la clé de l’évolution de l’emploi reste l’évolution de la productivité : celle-ci a été multipliée par 5 dans le secteur agricole depuis 1980, contre 2 pour l’ensemble de l’économie, ce qui explique que l’emploi agricole régresse en valeur absolue comme en part relative.

Rien ne permet encore d’affirmer que la productivité évoluerait différemment dans les différents scénarios. C’est donc bien la différence entre le scénario tendanciel et le scénario Afterres2050 qu’il faut analyser, et le gain en emplois du aux effets de modification du système et des pratiques est très net.

73.000 de plus pour l’agriculture, 78.000 de moins pour l’agroalimentaire, en valeur relative : mais la somme n’est pas nulle.

En effet, les ménages gagnent directement ou indirectement près de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat. Le prix unitaire des produits agricoles est supérieur pour Afterres2050, mais ceci est compensé par la diminution des quantités consommées et surtout la modification de l’assiette, car les protéines d’origine végétale sont moins chères. Cette hausse de pouvoir d’achat se traduit par une augmentation de la demande dans les autres secteurs économiques, avec au final un gain net de 144.000 emplois.

Le calcul s’effectue sans modifier les régimes de fiscalité. En particulier les subventions à l’agriculture sont restées identiques. La discussion est ouverte à ce sujet : les 10 milliards d’euros dont bénéficieraient les ménages ne pourraient-ils pas être affectés prioritairement à l’agriculture et au soutien au revenu agricole ?

Les analyses préliminaires montrent que, loin d’être une catastrophe pour l’agriculture, le scénario Afterres2050 s’en sort au moins aussi bien que le scénario tendanciel, qui suppose que tout puisse fonctionner demain comme aujourd’hui, ce qui, sans doute plus que le scénario lui même, constitue bien un défi technique et sociétal.

Sources, et références.

Menée par Philippe Quirion, du CIRED, l’évaluation socio-économique du scénario Afterres2050 a été décomposée en trois parties.

Tout d’abord l’évolution du nombre d’emplois directs liés aux modifications de l’activité de la banche étudiée. Elle est directement liée aux systèmes de production et aux volumes. Pour l’agriculture, le nombre d’emplois est estimé en fonction des surfaces et des cheptels.

Ensuite, l’évolution des emplois indirects : ils sont liés aux impacts de ces modifications sur les autres branches d’activité. La méthode utilise le TES – Tableau Entrée Sortie – de l’INSEE[1]. Chaque secteur consomme des productions intermédiaires d’autres secteurs, qui eux-même font appel à d’autres activités (importations comprises). On peut ainsi déterminer où va in fine 1 € dépensé (ou économisé) par la branche agricole, ou par l’agroalimentaire. Connaissant l’intensité en emploi de chaque branche d’activité, on peut ainsi estimer le nombre d’emplois créés (ou détruits) par l’évolution de l’activité.

Enfin les effets induits. Ceux-ci sont liés à la variation de la demande finale (les dépenses des ménages et des administrations). Si les dépenses des ménages pour l’alimentation augmentent (ou diminuent), ce sont les dépenses dans les autres secteurs qui diminuent (ou augmentent), donc également les emplois liés à ces dépenses.

L’évolution nette du nombre d’emplois est la résultante de l’ensemble de ces mécanismes de création ou de destruction d’emplois directs, indirects et induits. La méthode permet d’identifier ces évolutions pour chaque branche d’activité.

[1] Voir http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=5.5

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