Impact climatique du CO₂ et du méthane – Comment additionner choux et carottes ?

Le pouvoir de réchauffement global comme unité commune

Note méthane

On ne peut pas additionner des choux et des carottes, avons-nous appris… De même, on ne peut pas additionner les tonnes de CO2 et les tonnes de méthane, les deux principaux gaz à effet de serre rejetés par l’activité humaine. Si on veut mesurer leurs contributions respectives au réchauffement global, on doit les convertir dans une unité commune : le « pouvoir de réchauffement global » sur 100 ans (PRG100). Selon la méthode standard adoptée par la convention cadre de 1992 sur le climat, il est calculé et publié dans les rapports du GIEC. Cette méthode, même si elle simplifie une réalité bien plus complexe, reste nécessaire.

Certains acteurs se sont exprimés en faveur d’utilisation de métriques alternatives pour intégrer les spécificités du méthane dans sa contribution au réchauffement du climat. Sur la période récente, une proposition a particulièrement retenu l’attention, notamment pour le secteur de l’élevage des ruminants : celle d’appliquer le PRG du méthane, non plus au montant absolu de ses émissions, mais à leur variation en utilisant un indicateur dénommé PRG*.

Le PRG* serait censé mieux représenter le fait que le méthane a une assez faible durée de séjour dans l’atmosphère. Mais sa mauvaise utilisation conduit en réalité à minorer le rôle du méthane, allant même jusqu’à affirmer dans le monde de l’élevage que la réduction actuelle du cheptel bovin contribue à « refroidir » l’atmosphère.

 

Attention à ne pas minorer le rôle du méthane !

Le gaz carbonique est responsable de 0,8°C de l’augmentation de température moyenne mondiale, le méthane contribue à 0,5 °C, soit autant que tous les autres gaz à effet de serre réunis (et largement devant le protoxyde d’azote). Sa concentration dans l’atmosphère augmente et le phénomène s’accélère. Son rôle ne doit pas être minoré, il y a au contraire urgence à agir.

Les secteurs d’émission de méthane les plus importants sont liés aux énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) puis à l’élevage juste après. En ajoutant les rizières, l’agriculture est le premier poste émetteur de méthane au niveau mondial.

Dans les scénarios du GIEC qui permettent de rester à un réchauffement climatique contenu de 2°C ou moins, les émissions de méthane doivent être réduites de 20 % en 2030 et de 50 % en 2050, et –33 % dès 2030 si on veut limiter le réchauffement à « 1,5°C avec un dépassement limité ».

 

Alors comment le mesurer ?

Le PRG* est une manière de mesurer les équivalences en CO2 du méthane, censée mieux prendre en compte les variations des émissions qu’avec le PRG100 car elle ne se base pas sur une valeur fixe du méthane mais en lien avec sa trajectoire. Sa formule conçue pour mieux représenter les trajectoires de diminution, ne peut  pas être utilisée comme valeur fixe, en particulier pour établir des facteurs d’émissions de produits comme dans les Analyses de Cycle de Vie.

PRG*

 

Le PRG* consiste à appliquer le PRG à la variation des émissions de méthane

Utilisé hors du cadre scientifique rigoureux pour lequel il a été conçu, le PRG* pose de nombreux problèmes méthodologiques. L’utilisation du PRG* pourrait donner lieu à des interprétations absurdes. Les pays pauvres qui consomment peu de viande mais ont un secteur de l’élevage en croissance auraient un PRG* très haut, alors que les pays riches, qui consomment beaucoup de viande, mais dont le cheptel diminue, auraient un PRG* bas. Les élevages des pays les plus gros producteurs de viande, mais en diminution, contribueraient alors moins au réchauffement climatique que ceux qui en produisent peu, mais en augmentation.

Cela fait 20 ans que des scientifiques travaillent sur des « métriques alternatives » censées mieux représenter le rôle des gaz à courte durée de vie. Aucune de ces métriques ne s’est révélée opérationnelle. La Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique qui décide des métriques à utiliser dans les inventaires, renouvelle régulièrement sa décision d’utiliser le PRG100 et recommande de continuer à l’utiliser tel que calculé dans le 5ème rapport du GIEC.

La Commission européenne dans son rapport stratégique « A clean planet for all » (2018) conclut également que le PRG est une métrique transparente et bien connue qui fournit une relativement bonne représentation de l’importance des différents gaz pour la réalisation de nos objectifs.

S’il est donc important de poursuivre les travaux de recherche sur le plan scientifique, l’utilisation d’une métrique expérimentale telle que le PRG* comme outil de politique publique, ou pour l’évaluation de l’impact climatique de produits, de filières ou de secteurs, est très prématurée. Elle risque de donner un signal contraire aux objectifs recherchés et de délégitimer la nécessité de réduire les émissions de méthane, fossiles comme biogéniques.

 

Pour éclairer cette question, Christian de Perthuis, Professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine-PSL, Christian Couturier, Directeur de Solagro et Sophie Szopa, Directrice de recherche du CEA Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (IPSL – Université Paris-Saclay) viennent de publier un article. Il détaille les principales méthodes de calcul pour la métrique du méthane puis passe en revue leurs implications pour la conduite des politiques climatiques.

 

L’article à lire dans son intégralité pour comprendre la complexité du sujet et les enjeux associés :

Le méthane dans les stratégies d’atténuation : un enjeu majeur

Mais aussi :

L’urgence de réduire les émissions de méthane : Focus sur l’élevage

Les prairies et l’élevage de ruminants au coeur de la transition agricole et alimentaire

L'univers Solagro