Dans « Signé PAP N° 20 » article pour le collectif « Paysage de l’après pétrole », Philippe Pointereau, directeur du pôle agroenvironnement de Solagro, fait un plaidoyer à la fois sensible et argumenté, sur les arbres qui vivent hors de la forêt, c’est-à-dire sur nos haies, bosquets, vergers de haute-tige, parcelles agroforestières, …
Pourquoi faudrait-il réhabiliter ce patrimoine, lui donner une place plus importante dans nos paysages ? Pourquoi devrait-il être mieux reconnu, soutenu à ses justes valeurs…
Recyclage des minéraux qui rendent les sols vivants et fertiles, réserves d’habitats pour les auxiliaires, bois d’entretien valorisable en énergie, piégeage des nitrates et des pesticides, lutte contre l’érosion : les services écologiques rendus par ces formations sont documentées depuis longtemps.
Cela n’a pas suffi à les sauver : en moins d’un demi-siècle, 2 millions de km de haies ont été arrachés, 400 000 ha de pré-vergers ont été abandonnés, transformés en cultures, prairies…Depuis 20 ans, des agriculteurs, des associations, des collectivités locales, pétrifiés par le vide laissé, les traumatismes engendrés, replantent des haies, mettent des arbres dans les parcelles cultivées, font des plans paysagers pour recréer de la beauté dans les campagnes. Mais ils sont trop peu nombreux. Les replantations ne compensent pas les arrachages qui se poursuivent, et qui semblent même s’accélérer dans certains territoires, …
La lutte contre le changement climatique va-t-elle changer la donne ? Va telle faire en sorte que l’arbre hors de la forêt ne soit plus considéré comme une contrainte mais comme un allié, au service de l’intérêt général ?
Qualité qui s’ajoute à toutes les autres, l’arbre hors de la forêt stocke du carbone dans les sols et dans sa biomasse aérienne[1]. Il produit aussi du bois matériau, qui est une autre forme de stockage, et les « petits bois » fournissent une énergie qui ne déstocke pas de CO2 fossile, …
L’arbre hors de la forêt pourrait même nous aider à être « neutres » en carbone en 2050, c’est-à-dire à avoir un bilan stockage/émission des émissions de gaz à effet de serre équilibré.
Pour une contribution significative de l’arbre hors de la forêt à cet objectif de neutralité, il faudrait replanter dans les 30 prochaines années 750 000 km de haies (soit le double du linéaire actuel) et dédier 3 millions d’hectares (soit 10 % de la SAU) à des parcelles conduites en agroforesterie…
Ces propositions, issues du scénario de transition agricole, alimentaire et énergétique Afterres2050 de Solagro, ont été mise dans le pot commun des contributions de la stratégie nationale bas carbone, en cours de discussion. Elles posent les bases d’une vision nouvelle de l’agriculture, une vision qui redonne toute sa place à un capital qu’il convient de renouveler sans tarder…
Seront-elles adoptées, prendront-elles de l’épaisseur politique ? L’urgence à agir sera-t-elle entendue ?
L’arbre a besoin de temps pour grandir, le climat lui n’attend plus.
[1] – Une expertise collective de l’INRA estime que sur une période de 20 ans, 1 km de haie permet de stocker en mouyenne 3,7 t CO2 par an dans le bois et dans le sol. Ainsi l’implantation de 25.000 km par an d’ici 2050 permettrait de stocker 53 millions de t CO2 soit une moyenne de 1,78 Mt de CO2 par an sur cette période.