Nous avons organisé à Nanterre, les 15 et 16 octobre 2015, le séminaire de restitution des études de régionalisations d’Afterres2050. Crime de lèse modestie, nous ne boudons pas notre plaisir : la qualité de nos travaux a été publiquement reconnue par tous, participants et partenaires. Ces félicitations, nous souhaitons les partager avec tous ceux – élus, agriculteurs, forestiers, institutions, associations, chercheurs, …[1] qui se sont prêtés au jeu d’une prospective exigeante dans les 4 régions « tests » (L’Ile de France, la Picardie, Le Centre Val de Loire, et partiellement Rhône Alpes) et qui ont accepté d’échanger, de s’interroger sur l’avenir de leurs territoires.
Dialoguer, sans préjugés
Coup de chapeau tout d’abord aux animateurs à qui nous avions confié l’animation des groupes de réflexion. Ils ont créé un climat de confiance entre des participants qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, voire, pour certains, pas l’envie de le faire ! » « Nous avons fait un travail préparatoire pour que chacun abandonne ses préjugés, prenne de la distance avec le présent. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut s’ouvrir aux propositions des autres, résume l’un d’entre eux. Il convient également de souligner l’implication des partenaires et des membres du conseil scientifique, dans un travail qui s’est étalé sur près de trois années.
Les régionalisations avaient pour objectif de confronter notre scénario élaboré à grands traits à l’échelle d’une ferme France à la réalité et à la diversité du terrain.
Le scénario a été donc été décliné et mis en débat de manière très approfondie dans les 4 Régions volontaires.
La production de plusieurs trajectoires, a rendu plus visibles les conséquences des arbitrages, parfois différents, posés par les participants, et à permis une appropriation des enjeux posés par le scénario.
Briques et échelles
Sur le plan méthodologique, les régionalisations nous ont fait faire d’importantes avancées. Nous avons tout d’abord caractérisé les principaux systèmes agricoles et forestiers, pour les décomposer en « briques élémentaires », c’est à dire en unités agricoles et forestières de référence, par exemple la ferme grande culture du bassin parisien », « l’élevage laitier de plaine, de montagne, l’élevage des poulets de plein air, …
Nous avons ensuite caractérisé l’équivalent « Afterres2050 » de chaque brique élémentaire. Nous les avons ensuite déployées dans l’espace et dans le temps pour reconstituer les assolements régionaux, en intégrant d’une part, les impacts – positifs ou négatifs – des pressions extérieures (Climat, démographie par exemple) et d’autre part, les contraintes imposées par Afterres2050, comme par la réduction des intrants, la production de biomasse pour l’énergie, le maintien d’un niveau d’exportation, le tout en prenant compte les spécificités de contextes locaux, …
C’est en assemblant les différentes briques que nous avons construit les scénarios régionaux. Le travail réalisé dans les 4 régions test a ensuite été extrapolé aux 18 autres régions pour construire un scénario national actualisé. Ce scénario est donc plus fin, plus robuste, plus solidement ancré dans la réalité que la première version du scénario. Et c’est un résultat majeur des régionalisations : l’outil de modélisation MoSUT a ainsi été amélioré dans sa description de l’existant.
Variantes
Cette version actualisée d’Afterres2050 peut également être présentée avec ses 2 variantes : la variante SAB (pour santé, alimentation, biodiversité) qui est un scénario qui maximise la production « Biologique » et la variante REP, pour « résilience et production ». Plus productif, mais légèrement dégradé sur le plan environnemental, REP nous permettrait d’augmenter notre capacité d’exportation.
Afterres2050 apparaît donc comme un scénario médian, le meilleur compromis entre différentes options.
Ce séminaire a également été l’occasion de présenter l’impact sur l’emploi d’une transition agricole et alimentaire type Afterres2050, comparée à la poursuite du scénario tendanciel… Réalisée par le CNRS/CIRED, cette étude fait état d’une moins grande perte d’emploi dans le secteur agricole pour Afterres2050 comparé au tendanciel, mais d’une baisse plus importante dans l’agroalimentaire. Au final, il y aurait création nette de 140 000 emplois tous secteurs confondus, due principalement au « bonus » de 10 milliards d’euros induits par une alimentation beaucoup moins coûteuse…
Questions d’azote
Sur le plan agronomique enfin, ces régionalisations nous ont permis de d’appréhender une problématique de premier plan : comment rendre autonome en azote organique des fermes « Bio et assimilées » situées dans des zones céréalières pures – comme le bassin parisien par exemple – et dans lesquelles il semble difficile de déployer des élevages pour des raisons climatiques, culturelles, économiques, et donc permettre un retour au sol d’azote organique. Rappelons que le recours aux engrais chimiques est très contraint dans le scénario et l’azote est un facteur clé des rendements. Dans les régions sans élevage, seules des rotations riches en légumineuses variées, permettent de contourner cette difficulté. Ce qui suppose de trouver une valorisation économique pour ces légumineuses (alimentation ou méthanisation,…). Notre proposition ? L’introduction massive de légumineuses fixatrices d’azote en inter-cultures. Et c’est la méthanisation de ces légumineuses qui permet le retour au sol de matières organiques fertilisantes via le digestat, la production de biogaz en plus.
A suivre
Les sujets et projets à creuser ne manquent pas : analyse des impacts de la chaîne de la transformation et de la distribution agroalimentaire, travail à l’échelle l’Europe ou sur les territoires à énergie positive, pour inclure le volet agriculture et alimentation dans leur projet de territoire.
A noter enfin : Les travaux régionalisations, et la version 2015 du scénario seront publiés au printemps 2016 !