Quelle contribution des forêts et de la filière bois à la transition écologique ?
La filière bois et les espaces forestiers ont un rôle clé à jouer dans la transition écologique, mais cela implique une gestion durable des ressources forestières, en prenant en compte les enjeux de préservation de la biodiversité et du puits de carbone dans un contexte climatique hostile.
Le scénario Afterres2050 propose de trouver l’équilibre entre les ressources dont nous disposons et disposerons et les besoins, avec un objectif de sobriété et d’efficacité.
Il propose des éléments de réponse à une demande en matériaux et en énergie, mettant à contribution les espaces forestiers actuels, tout en veillant à préserver les écosystèmes et en intégrant les impacts du changement climatique.
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Un contexte climatique critique
Le puits de carbone forestier montre une diminution importante, malgré une relative stabilité des prélèvements. Cette situation est principalement due à deux variables : la mortalité des arbres (dépérissement) et la production biologique de la forêt, qui stagne voire diminue, bien que sa surface augmente.
Les 5 dernières années ont enregistré un réel changement de tendance : les années chaudes et sèches ralentissent la croissance des arbres et génèrent des dégâts considérables en forêt, et montrant des futurs possibles très contrastés. La prolongation des tendances observées suggère qu’il est possible que la forêt française ne joue plus son rôle de puits de carbone.
Il est aujourd’hui impossible de déterminer précisément comment l’accroissement naturel et la mortalité vont évoluer à moyen terme, mais les stratégies de gestion forestière doivent intégrer ce nouveau contexte dans la conduite des itinéraires techniques, des choix d’essences à planter et dans les prélèvements. En effet, le niveau de récolte et le choix des essences prélevées apparaît comme un outil important pour réduire les risques de mortalité.
Une augmentation (modeste) des prélèvements pour des usages énergétiques
Le scénario Afterres2050 montre que les usages du bois matériaux plafonnent, mais que le bois énergie garde un rôle important dans la transition écologique, alors que la mobilisation de bois pour l’énergie pose de nombreuses questions dans le débat public.
En effet, certains membres de la communauté scientifique dénoncent un bilan carbone très défavorable (avec une dette carbone de plusieurs dizaines d’années) en cas de coupes de bois pour produire du bois énergie.
Ce bilan peut devenir favorable quand on remet le bois énergie dans le système forêt filière :
- En tant que bois lié à la filière bois d’œuvre, le bois énergie présente un bilan dépendant du bilan attribué aux filières matériaux
- Le bois énergie peut intervenir comme un outil de gestion forestière en contribuant à favoriser l’amélioration de peuplements spontanés pour les faire évoluer vers une futaie permettant de stocker davantage de carbone.
Le scénario Afterres2050 mobilise également les arbres des parcelles agricoles de manière importante (haies, agroforesterie, taillis à courte rotation, etc.).
Il s’appuie sur la demande en énergie, mobilisant au maximum les leviers de sobriété et d’efficacité énergétique mais également sur la demande en matériaux qui reste stable, comme évalué dans les scénarios négaWatt et négaMat
Cette vision transversale permet de dessiner un futur équilibré pour la forêt et la filière, basé sur une augmentation modeste des prélèvements tirée notamment par le bois énergie, et mettant en avant une sylviculture d’adaptation au changement climatique.
Voir la table ronde de présentation et mise en débat de cette vision prospective avec les chercheurs et les acteurs de la filière bois pour aborder le rôle et l’avenir de la forêt et la filière bois.
Afterres2050 Forêt et Filière bois : Un rôle déterminant dans la transition écologique
Sobriété, efficacité et relocalisation
Tout comme le scénario négaWatt, le scénario Afterres s’appuie sur une maîtrise optimale de la demande en énergie, matériaux, occupation des sols. C’est le fondement d’une transition vers une société plus juste et plus intégrée dans son environnement.
La relocalisation de la transformation apparaît à ce titre comme une maîtrise de notre empreinte, des externalités liées à notre mode de vie que l’on peut ainsi mieux contrôler (lutte contre la déforestation importée, normes environnementales, etc). Elle se traduit également par des co-bénéfices en matière d’activité économique, de maîtrise des flux de matière, de limitation du transport, comme une amélioration de l’efficacité du système forêt-filière.
Hiérarchie des usages ? pas seulement
La hiérarchie des usages pour favoriser les usages matériaux à longue durée de vie est naturellement pertinente d’un point de vue carbone. Cependant, l’approche systémique montre qu’un optimum global n’est pas la somme d’optimums sur chaque secteur. Ainsi, tendre vers une augmentation de la durée de vie des bois récoltés, en maximisant les usages et réusages matière avant une valorisation énergétique en dernier recours ne suffit pas à orienter la stratégie forêt-filière. Le système énergétique doit s’appuyer sur des ressources énergétiques locales et renouvelables, et la production de biomasse renouvelable dédiée à l’énergie est possible aujourd’hui en France métropolitaine, notamment pour contribuer à l’adaptation des espaces agricoles et forestiers au changement climatique.
Le bois énergie, co-produit de stratégies d’adaptation mais aussi de luttes contre les pollutions
La production d’énergie biomasse n’apparaît alors pas comme une fin en soi. Elle intervient comme un outil de gestion des espaces agricoles et forestiers car elle permet de financer des opérations d’entretien et d’aménagement nécessaires à leur adaptation au changement climatique.
Le bois énergie est un moteur de la mise en gestion et de l’entretien des haies aux nombreuses fonctions agro-environnementales. Les cultures ligneuses sans intrants sur les périmètres de captage permettent de contribuer à la production d’une eau de qualité tout en conservant une valorisation économique des parcelles. La collecte et la valorisation de bois de vignes et de vergers s’inscrit comme une alternative aux brûlages en bout de champs qui contribuent fortement aux émissions de particules, etc.
Mais cela implique d’encadrer la production de bois énergie en allant plus loin qu’une simple régulation du marché. Si le signal prix, jusqu’ici, garantissait le plus souvent la hiérarchie des usages (la valorisation en matériaux étant toujours plus intéressante pour le propriétaire que la valorisation énergétique des bois récoltés), il est possible que ce contexte évolue avec l’augmentation des coûts des énergies fossiles, imposant des outils de régulation du marché.
Planification des usages, du territoire à l’État
La filière bois pâtit aujourd’hui d’un manque chronique de lisibilité sur les ressources disponibles, avec des années où le marché est saturé de certains types de bois, alternant avec des années où il est difficile de s’approvisionner. Les cours du bois fluctuent de fait fortement.
Les différents usages de la ressource en biomasse ligneuse doivent être articulés en complémentarité entre les différentes filières, mais également pour répondre aux enjeux systémiques auxquels la forêt est confrontée. Ces arbitrages doivent être adossés à une stratégie d’ensemble, déclinée en fonction des spécificités des massifs, et traduite en mécanismes de soutien et réglementations.
Cette notion de planification est indispensable pour les acteurs de la filière pour qu’ils disposent d’une visibilité suffisante pour investir durablement et absorber les à-coups du marché, liés aux aléas climatiques ou au contexte énergétique national. Les stratégies nationales et régionales concernant la mobilisation de la biomasse (SNMB, SRB) ainsi que les stratégies dédiées à la forêt (PNFB, PRFB) doivent ainsi être renforcées, mieux articulées avec les stratégies locales des massifs et évaluées régulièrement.
Gestion différenciée par massif, résilience en forêt et dans la filière
La diversité des paysages forestiers en France métropolitaine, et des filières de valorisation des produits bois qui en découlent, implique une gestion différenciée en fonction des réalités locales. Les stratégies forestières globales doivent atterrir sur les territoires au travers d’outils de gouvernance locale, sur la base de diagnostics locaux partagés entre les acteurs, pour coordonner les pratiques de gestion locale de la ressource et le tissu d’acteurs territoriaux de la transformation.
L’atténuation du réchauffement climatique dépend directement des stratégies d’adaptation
La capacité des forêts à faire face aux nouvelles conditions climatiques est déterminante pour la préservation du rôle de puits de carbone forestier, indispensable à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone. Si les débats sont vifs sur les stratégies générales d’adaptation, l’urgence climatique impose de mettre en œuvre dès aujourd’hui des mesures d’adaptation dont on mesurera les impacts dans plusieurs décennies. Il semble impossible dans ce contexte de se limiter à une stratégie unique qui risquerait de s’avérer inadapté à moyen terme. C’est à l’échelle des massifs, en s’appuyant sur l’expertise locale, que pourront être envisagées les stratégies d’adaptation : en confortant les écosystèmes qui résistent bien aux effets du réchauffement climatique et en adoptant des stratégies de récolte et reboisement ciblées pour anticiper les épisodes de mortalité.
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